Editorial du mensuel « Meyzieu » de la paroisse d’avril 1979
Allez !... (Matthieu, 28/19)
Avec l'autorisation de notre évêque, le Cardinal Renard, je quitterai cet été la paroisse de Meyzieu pour partir de nouveau en Afrique.
Cette nouvelle n'est plus tout à fait « nouvelle » pour beaucoup d'entre vous car je ne l'ai pas tellement cachée durant ces derniers mois au cours des réunions ou conversations.
Je ne sais pas encore dans quel pays j'irai ni auprès de quel évêque je travaillerai, mais cela est en train de se décider et je vous tiendrai au courant.
Depuis plusieurs années déjà je pense à ce départ. Voici quatre ans que j'ai déposé ma demande auprès de l'évêque : ce n'est donc pas improvisé... Ce n'est pas non plus tout à fait nouveau pour moi puisque j'ai déjà passé quatre ans de mon ministère comme aumônier de lycéens et étudiants à Bamako, capitale du Mali. Il s'agit bien d'un nouveau départ.
Et j'entends déjà les questions que beaucoup se posent :
« Pourquoi partir? Serez-vous remplacé à Meyzieu ? N'y a-t-il pas assez de travail ici ? Pourquoi aller là-bas ? Est-ce encore utile d'aller en Afrique?... ».
Je commencerai par évoquer une lettre encyclique que le pape Pie XII écrivait en 1956. Cette lettre commence par ces mots « fidei donum » (don de la foi) ; elle demande aux diocèses de vieille chrétienté de prêter pour un temps des prêtres aux jeunes Eglises. Cet appel fut entendu et on parle de prêtres « fidei donum » pour désigner les prêtres diocésains qui vont ainsi vers ces Eglises qui en ont besoin.
Depuis cette date, les appels sont repris régulièrement pour que des prêtres viennent prendre la relève de ceux qui rentrent après un séjour à l'extérieur. Car cette relève est loin d'être assurée et les besoins restent immenses : pour un continent entier comme l'Afrique qui est trois fois plus grand que l'Europe, il n'y a pas plus de prêtres que pour la seule France...
Quant à savoir s'il faut laisser le Tiers Monde se débrouiller parce que notre présence serait obstacle à la croissance de l'Eglise locale, il faut laisser juges les évêques du Tiers Monde et leurs communautés. Or ce sont eux qui appellent.
Pourquoi partir ?... Au fond, un prêtre est prêtre « pour le monde » même s'il est attaché à un évêque particulier, car cet évêque lui-même est, par la collégialité, pour le monde entier, même s'il est pasteur d'un diocèse bien défini.
La vie de l'Eglise, c'est une vie de partage, de communion, de communication. Un diocèse est-il encore catholique s'il se ferme sur lui-même ? Il y a un nécessaire échange entre les Eglises locales et cet échange ne peut se réduire à une rencontre d'évêques à Rome ou à un envoi de correspondances. Il convient d'aller partager la vie, de vivre avec, d'éprouver la diversité, d'accueillir la différence à sa source pour s'enrichir.
Prêtre « fidei donum », je voudrais être le témoin vivant auprès de nos frères africains, de toute la vitalité de notre communauté et, à mon retour, pouvoir rendre témoignage de la foi vécue là-bas.
Mais, pour cela, je ne dois pas partir seul. Il faut que je parte en voire nom à tous. C'est pourquoi je vous invite à prier pour ce projet, à venir réfléchir et dialoguer au sujet de ce départ, à ouvrir notre communauté à la vie des chrétiens du Tiers Monde. Notre Pape Jean-Paul ne nous donne-t-il pas l'exemple en allant à Mexico ?
Oui, n'ayons pas peur d'ouvrir nos vies à la dimension de l'amour du Christ, c'est-à-dire à la dimension du monde.
Pierre BUTAUD.
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